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«Prisonnier (par la volonté de Dieu) du corps d'un écrivain fraîchement suicidé et chichement membré, moi, Lucifer, Ange Déchu, Porteur de Lumière, Prince des Ténèbres, de l'Enfer et de ce Monde, Seigneur des Mouches, Père du Mensonge, Suprême Apostat, Tentateur, Antique Serpent, Séducteur, Accusateur, Tourmenteur, Blasphémateur et, sans contestation possible, Meilleur Coup de l'Univers Visible et Invisible (demandez donc à Ève, cette petite garce), j'ai décidé – ta-daaah ! – de tout dire.
Tout? Presque. Le funk. Le swing. Le boogie. Le rock…
C'est moi qui ai inventé le rock. Si vous saviez tout ce que j'ai inventé : la sodomie, bien sûr, la fumette, l'astrologie, l'argent... Bon, on va gagner du temps : tout, absolument tout ce qui vous empêche de penser à Dieu. C'est-à-dire à peu près tout ce qui existe.» |
Mon avis :
Il faut savoir que ce roman comporte trois histoires imbriquées : celle de Lucifer, celle d'un écrivain paumé et celle de Lucifer qui s'incarne dans l'écrivain paumé. La première est très intéressante et très prenante, la seconde est assez ennuyeuse et la troisième est à la limite du supportable. Le ton du texte est proche du "parler" et si c'est intéressant quand Lucifer raconte sa chute, c'est lourd dans les deux autres cas. Je vais détailler un peu plus pour chaque histoire.
Lucifer nous raconte sa chute d'une manière assez sympathique car le ton change totalement de celui qu'on penserait à utiliser quand on parle du divin. Il adopte une attitude décontractée et totalement irrespectueuse envers Dieu qui est tout à fait celle qu'on peut attendre du diable. Il n'y a aucune volonté de repentance chez lui et même si il parle quelque fois de sa souffrance, il semble que sa liberté vaille bien mille tourments. Il revisite les épisodes de la Bible avec une attitude outrageante mais qui concorde bien avec se personnalité, et ses digressions sont amusantes.
Mais ce qui est plaisant dans ces parties là est tout à fait insupportable dans le reste du roman. Je ne vais pas parler de la vie de l'écrivain car c'est plat et tout à fait inintéressant, mais je vais m'arrêter sur les passages où Lucifer a pris le corps de cet homme. J'ai d'abord trouvé ça intéressant de voir comment un être qui ne connaît pas les sensations pouvaient se sentir la première fois qu'il les ressent (odeur, textures, sons, etc). Mais tout de suite, ça part sur des histoires de fesses. A la limite, je peux comprendre qu'il choisisse d'utiliser les parties les plus sensibles de son anatomie, mais était-il nécessaire de nous raconter qu'il s'astique le manche pendant des heures ou à la sortir de son pantalon en pleine rue pour mieux sentir le petit vent frais ?
Et forcément, que fait-il maintenant qu'il est humain ? Il se drogue et il baise. Ça ne m'a pas échappé qu'on parlait du diable mais toute cette vulgarité est franchement lassante... Et quand elle s'applique à des cas de pédophilie, c'est carrément dérangeant.
Un autre point qui est vite lassant aussi, ce sont les digressions. Le récit en est truffé, et si elles sont parfois sympas, elles sont souvent fatigantes et elles m'ont parfois complètement perdue. C'est le genre de passage qu'on survole car on sait qu'il est long et qu'il ne sert à rien car il n'apporte rien à l'intrigue.
En parlant de l'intrigue justement, je m'interroge encore sur son intérêt. Est ce que c'est la vie de l'écrivain paumé que Lucifer modifie qui doit nous intéresser ou est ce que c'est la possibilité de rédemption qu'on lui offre. Dans les deux cas, ça m'est passé au dessus de la tête. Savoir si l'écrivain (dont j'ai oublié le nom tellement il m'a peu marqué) allait s'en sortir ou savoir quelle voie Lucifer allait choisir n'a provoqué aucune interrogation chez moi pendant ma lecture.
Pour conclure, je pense que ça peut quand même plaire à certains qui seront intéressés par l'histoire de quelqu'un qui se la raconte beaucoup trop et dont le deuxième prénom est vulgarité. Mais moi je n'ai pas accroché, même si j'ai quand même apprécié les passages réécrits de la Bible.